• C'est difficile de savoir qu'il y a des addictions plus respectables que d'autres. Parce que quelqu'un allume une cigarette dans la rue, et personne ne dira rien. C'est normal, c'est l'époque qui veut ça, et puis en plus, c'est "classe". Celui qui prend des antidépresseurs tout les matins pour gérer son passé banal et son futur anodin, ainsi que sa vie décevante, personne ne dira rien. Il en a besoin, c'est pour aller mieux, tu comprends, ou au moins pour aller tout court. 

    Parce contre, le joint sur lequel tu tires tout les soirs, non. C'est un secret, un secret honteux, ça. Si les patrons le savaient, ils ne t'engageraient pas. Pourtant, tu en as besoin de la même façon que d'autres ont besoin de la "clope du matin". T'y peux rien, c'est impossible de tenir les démons à distance sinon. Mais tu n'as pas le droit.

    Tout comme, tu ne peux pas dire que tu as besoin de te faire jouir tous les soirs si t'es une fille. Avec ton ou ta partenaire, si iel en a envie, toute seule sinon. Après ton corps est détendu, tu arrives à dormir sans faire de cauchemars. Mais tu n'as pas le droit d'en parler. Le pire, c'est quand même que ton meilleur ami ou ton frère, s'il le fait, ça ne choque personne. Toi t'es une fille, et tu ne sais pas pourquoi, mais ça veut dire que tu ne dois pas profiter de ton corps comme tu en as envie. 

    Tout le monde a ses addictions pourtant : son téléphone, le bisou du matin, le soda, le boulot... On a tous CE truc sans lequel on se sent super mal, sans lequel on ne fonctionne pas correctement. 


    votre commentaire
  • Et la lune est descendue sur terre dans ton enveloppe charnelle, tes tâches de rousseurs autant de constellations sur ta peau de lait. Tes cheveux comme un halo de lumière... mes mots ne rendront jamais honneur à ton infinie beauté. Tout ce que je voudrais dire, d'autre l'auront dit, et mieux. Avec des mots plus jolis, avec des intonations plus douces. Mais eux, ne connaîtront pas la sensation de tes lèvres délicates. Ils ne sauront pas comment tu poses tes yeux sur celle que tu aimes. Alors ce serait à moi de le décrire. Tes yeux sont noirs comme l'infini. On n'y distingue pas la prunelle et la pupilles, mais on y voit autre chose. L'ensemble des possibilités, des perspectives d'avenir... Quand tu regardes celle que tu aimes, et j'ai eu la chance que tu me regardes de cette façon, soudain cet infini entoure, réchauffe et berce. C'est une ultime contradiction, ta chaleur froide. Tout comme ton blême éclat. Ta lumière et ta face cachée. Je t'ai vue et tu étais l'alpha et l'oméga.


    votre commentaire
  • Je continue de penser à mon enfant. Je n'ai pas le droit de dire ça, parce que ce n'était même pas un enfant, en fait. C'était un embryon, deux cellules fusionnées... Alors je ne dois pas dire que c'était mon enfant, mais quand même. Quand même iel était dans mon ventre. Je l'aurais appelé.e Swann, parce que c'est joli et c'est neutre. Je l'aurais serré.e dans mes bras. Je pense à mon enfant, et iel me manque. Tout ce qu'iel avait à vivre je l'en ai privé. 

    Mais qu'est-ce que j'aurais pu faire d'autre ? On ne devient pas mère à treize ans. En tout cas, moi je ne pouvais pas, je n'étais pas prête. Et qui sait, Swann aurait peut-être ressemblé à son père. Je ne l'aurais pas supporté, ça non plus. Le souvenir de ce hall d'immeuble, de ce qui s'y est passé, de mes larmes aussi. Est-ce que j'aurais pu aimer mon enfant dans ces circonstances ? J'aurais quand même voulu qu'on m'accompagne. Qu'on m'aide. Avorter, puisque c'est bien ce que j'ai fait, c'est difficile, et personne ne le fait par plaisir. Alors, j'aurais voulu que les infirmières m'écoutent et me soutiennent au lieu de me juger... Et j'aurais voulu qu'on me dise qu'il me fallait une personne majeure avec moi, comme la loi l'oblige, au lieu de me laisser seule et de fermer les yeux. 

    Moi, je serais toujours pro-choix, parce que je n'aurais pas tenu avec un bébé. Et la culpabilité, je ne la souhaite à personne. C'est idiot de savoir que je ne suis pas coupable, et de quand même m'en vouloir autant. Mais cet enfant, je l'aime, même s'il n'est pas là, même s'il n'a jamais vraiment été là, qu'il n'a pas été ni un enfant ni un humain, j'y pense et j'ai mal. J'ai supprimé toutes ses perspectives d'avenir. Je n'aurais pas su m'en occuper, vous comprenez ? Je n'aurais pas pu, même en faisant de mon mieux, je ne savais déjà pas m'occuper de moi-même... Comment accompagner quelqu'un à vivre quand soi-même on ne pense qu'à mourir ? 

    Swann, j'espère qu'on se retrouvera dans une autre vie, que tu comprends... J'espère que tu ne me hais pas, que tu sais que j'ai fait de mon mieux, même si c'était dur. Je t'aime. Je t'aime comme je n'ai jamais aimé personne, comme je n'aimerais plus jamais. Tu seras toujours dans mes pensées, et à chaque nouvelle découverte, je me demande si tu aurais aimé. Je me demande toujours quelle voie aurait été la tienne, la couleur de tes yeux, le son de ta voix. Je t'aime plus que l'amour.


    votre commentaire