•  Lysandre n’aurait en aucun cas pu tolérer des conflits internes sans s’en mêler, et sans imposer des sanctions. Tout d’abord, il devait garder une image de leader, c’est-à-dire être capable de savoir sans demander. Heureusement, il connaissait ses amis par coeur. Le regard meurtrier qu’Alex gardait signifiait que le sujet était d’importance. Il mit quelques heures à comprendre ce qui s’était passé, ce qui l’agaça au plus haut point. Ce fut difficile au début. Son meilleur ami était toujours, toujours près de Timeo. Ce qui était étrange puisque qu'ils venaient de se battre. Il manquait donc une donnée dans l'équation. Si les deux éléments ne donnaient pas le résultat attendu, c'est qu'il en manquait un. Ici, il manquait la raison, le sens. S'il avait été un observateur extérieur, il aurait trouvé bien plus vite ce qu'il cherchait. 

    Il y avait des regards. C'était ça le dernier indice. Les regards qui se posaient sur lui dès qu'il avait le dos tourné. Celui tout d'abord, protecteur, d'Alex. Et celui, dépité, de Timeo. Et soudain il comprit. Il réalisa quelle figure géométrique se dessinait. Parce qu'il fallait trois éléments, il cherchait un triangle. Et en effet, un triangle apparaissait. Plat. Une droite. Même mieux. Un segment. À une extrémité, Timeo, et à l'autre, Lysandre. Et entre les deux, toujours entre les deux, Alex. Comme un bouclier, comme un mur protecteur. Soudain les éléments s'enchaînèrent. Ils defilerent à la vitesse de la lumière et il comprit. Les regards de Timeo. Leur petite soirée avortée. Cette dureté qui augmentait en lui au fil des jours, quasiment impossible à identifier. Il comprit la colère qui le faisait trembler, qui certainement, l’avait conduit à dire quelque chose de regrettable qui s’était soldé par la bagarre qu’il avait perdue.

    Maintenant qu'il avait tous les éléments, il devait décider quoi faire. Il tenta d'être rationnel, mais ne le put pas. Parce qu'il ressassait cette aventure encore et encore mais une seule chose lui sautait aux yeux. Quelqu'un avait osé lever la main sur son meilleur ami. Quelqu'un avait osé frapper Alex. Rien d'autre n'avait d'importance. Rien d'autre. Le châtiment devait être exemplaire. Terriblement exemplaire. Cependant, son affection pour Timeo était encore profonde et il ne voulait pas le perdre non plus. Il soupira, trouvant bien difficile d’assumer le pouvoir en ces heures troublées. 

    Mais puisqu’il devait cette fois être juge, il allait réunir la cour martiale. Ainsi, les huits garçons furent convoqués d’un texto dans le parc une demi heure après la fin des cours. Évidemment, aucun ne manquait à l’appel au moment venu. Enzo était assis sur le sol près du bac à sable, à rire avec Thomas, Jules et Ryan. Le regard bienveillant d’Alex était posé sur eux. S’allumant une cigarettes sur la balançoire, les deux cousins, Leo et Benjamin, semblaient tranquille. Et enfin, Timeo était installé sur le tourniquet. C’est vers lui que Lysandre se dirigea le premier.

    -Tu m’as déçu Timeo. Ai-je déjà manqué à mes promesses envers toi ? Envers l’un d’entre vous ?

    Personne ne répondit. La question était stupide, aucun mot n’avait besoin d’être formulé à voix haute. Il n’avait jamais trahi sa parole.

    -Si je ne suis pas venu, c’est que j’avais de bonnes raisons. Et si tu m’avais demandé, je t’aurais expliqué que la mère d’Enzo allait accoucher et que j’étais avec eux à la maternité. Mais au lieu de ça, que s’est-il passé ?

    -Pardon Lysandre. J’ai demandé à Alex si tu étais avec lui, et j’ai dit que je me sentais abandonné ces derniers temps. Dans un moment de colère, j’ai dit que tu étais un sacré connard aussi.

    Un silence de mort pesa. Personne ne réalisait qu’il eut pu dire une chose pareille, et tout le monde redoutait la suite.

    -Que tu m’insultes ou m’en veuilles, je peux l’entendre. Mais que tu oses tenter de lever la main sur Alex… Je pourrais détruire ta vie pour ça. Cependant, vu l’état de ton visage, ajouta-t-il, narquois, il semble qu’il n’aie pas besoin d’aide pour se défendre.

    -Mais… C’est lui qui a porté le premier coup !

    -Non. Si tu crois cela, ça prouve que tu n’as rien compris. Nous sommes neuf, on doit fonctionner ensemble. M’insulter, c’est mettre le premier coup à tout le monde. Si tu voulais régler quoi que ce soit avec moi, il fallait venir me voir. En plus, si Alex est mon meilleur ami, c’est parce qu’il est plus intelligent, plus fort, et plus loyal que vous ne le serez jamais. Aucun d’entre vous. C’est la raison pour laquelle quand je ne suis pas là, c’est le seul capable de prendre des décisions pour vous tous comme je le ferais. Être fidèle envers moi, c’est l’être envers lui. Et je suis déçu d’avoir à le dire, je pensais que vous l’auriez compris sans que je doive vous l’expliquer.

    Des regards assassins se posèrent sur le coupable qui forçait tous les autres à se faire engueuler alors qu’il était seul à faire sa bêtise. 

    -Cette promesse du premier jour sera toujours vraie. Je vous offrirais tout ce que vous désirez. Ce que vous vouliez tous, c’était un groupe d’ami soudé. Je ne vous ai jamais forcé à rester avec moi.

    -Mais, répondit Enzo avec empressement, nous on veut toujours rester avec toi, quoi qu’il advienne ! 

    -Je sais mon ange, je sais. J’ai toujours voulu vous protéger, et c’est pourquoi j’ai tout fait pour qu’il y aie de la solidarité dans ce groupe. Timmy a besoin qu’on lui rappelle à quoi ressemble la vie sans nous. Alors il va rester loin de nous pendant une semaine, et ensuite il sera pardonné.

    Le silence devint plus lourd encore. Personne n’avait pensé qu’il oserait. Ils le savaient tous, ils n’étaient rien sans Lysandre, Une semaine entière seul, c’était violent et atroce. Même Alex ne put retenir un peu de peine en entendant les sanglots du condamné. Mais la sentence était justifiée. Et irrévocable.


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  • La première véritable guerre interne n’arriva pas avant la cinquième. En soit, ce fut un miracle que l’équilibre du groupe aie survécu tout ce temps, parce que Lysandre était assez jeune, et qu’il n’était pas encore capable d’identifier l’état d’esprit des gens qui voulaient vraiment le cacher. Et c’était le cas de Timeo qui dépendait totalement de Lysandre et ne pouvait pas comprendre que ce dernier lui préfère d’autres gens. Aussi quand il obtint de l’avoir pour lui tout seul, le temps d’une soirée, il failli pleurer de joie. Jusqu’au moment où, cinq minutes avant l’heure fatidique, il reçut un petit “Pardon Timmy, je ne peux pas venir finalement”. Timeo vit rouge, et alla dans ses messages avec Alex, persuadé que c’est là-bas qu’était Lysandre.

    “Tu fais quoi ?!”

    “C’est un peu agressif ça. Calme toi.”

    “Tu fais quoi ?”

    “T’es chiant. Je suis avec ma petite soeur, qu’est-ce que tu veux ?”

    “T’es pas avec Lysandre ? Il devait passer chez moi.”

    “Bah non.”

    “Il me casse les couilles, c’est trop chiant”

    “Tu sous entends quoi là ? Que c’est un mauvais pote ?”

    “Oui ! Il fait jamais gaffe à moi, ça me saoule.”

    “Tu trouves qu’il est chiant ?”

    “Je me dis juste que parfois, c’est un sacré connard.”

    Il n’y eut plus de réponses. Dix minutes plus tard, quelqu’un toquait à la porte et quand le jeune garçon alla ouvrir, il se prit un coup de poing dans le visage. Par réflexe, il tenta de riposter, mais il n'était pas assez rapide. Un deuxième coup l'atteignit dans l'estomac, et deux yeux bleus froid comme la mort le clouèrent sur place. Devant ces yeux-là, l'univers pouvait sombrer dans la glace. Au contraire, Timeo était brûlant de rage et de peine mêlée. Et dans l'ordre des choses, le feu détruit la glace. Ça aurait été naturel de cette façon. C'est ce qui poussa Timeo à ne rien lâcher, à rendre coup pour coup, violent.

    Mais il n'y avait rien de naturel dans l'affection qu'avaient les deux meilleurs amis l'un pour l'autre. Il n’y avait rien qu’un sentiment aussi puissant dur et immuable qu’une montagne, et rien ne put empêcher Timeo de s’effondrer sous les assaut du garçon qui se battait pour l’honneur. 

    Le lendemain, Enzo arriva au collège accompagné de Lysandre, porteur d’une magnifique nouvelle. Le soir précédant, sa mère avait accouché d’un adorable petit garçon appelé Leopold, et il avait passé la soirée à l'hôpital avec son ami. Timeo portait un visage meurtri, Alex un air triomphant. Les rapports de force étaient établis, ne restait plus qu’à Lysandre d’asseoir sa puissance.

     


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  • Il posa les yeux sur elle, et son coeur accéléra. Déjà dans sa classe en sixième, il l’avait toujours trouvée intéressante, mais là, après ne pas l’avoir vu pendant deux mois, le mouvement de ses cheveux le rendait fou. Enzo trouvait Elettra magnifique, mais il savait qu’elle était aussi intelligente. Il la regardait de loin, s’imagina aller lui dire bonjour, mais s’en sentit incapable. Dans le vrai monde, les jolies filles ne regardaient pas les garçons un peu trop gros qui vivaient des poussées d’acnée ingrates. Lysandre s’approcha de lui et passa un bras autour de ces épaules.

    -Dis moi, à quoi tu penses mon ange ?

    -A Elettra, répondit-il sans même envisager de mentir.

    -Elle te plaît ?

    -Elle est merveilleuse.

    -Un jour, elle sera mienne. Ce jour là, je te l’offrirai avec plaisir.

    -Vraiment ?

    -Bien sûr, si ça peut te rendre heureux.

    Enzo serra son ami contre lui, ravi, et celui-ci passa une main dans les cheveux bruns soyeux.

    (PS : Non non, je n'avais pas oublié cette série ehe)


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