• Lysandre était avachi sur son lit, épuisé et fatigué. Sa canette de Monster à la main, un paquet de Haribo qui traînait, il regarda Alex fermer l’ordinateur portable et le ranger. Il était six heures du matin, une fois de plus. Ils avaient encore regardé des films d’horreur toute la nuit, et ils allaient encore sécher tout une matinée de cours. Non pas que cela aie la moindre importance, d’ailleurs. Leurs parents avaient perdu depuis longtemps le moindre intérêt pour leurs études, et si Alex touchait sans problème le dix sept de moyenne dans cette année de Première, Lysandre lui, dépassait allègrement le dix-neuf. Tout était d’une évidence folle pour lui. Il n’avait de faiblesse en aucune matière. De toute façon, il n’avait pas de faiblesse. Du moins, c’était vrai pour ses amis, sa famille, son petit groupe d’esclave, et le reste du monde. Mais, ce matin, aux côtés de son meilleur ami, celui qu’il aimait plus que tout, alors même qu’il se déshabillait afin de se mettre au lit, il était vulnérable. L’adolescent détestait dormir depuis toujours. Le sommeil était toujours précédé des instants de terreurs qui s’insinuaient lentement dans son esprit et corrompaient la moindre de ses pensées. Il s’allongea sur le dos, Alex près de lui, comme toujours.

    -Tu peux dormir Lys, je veille sur toi.

    -Tu me le promets ?

    -Toujours. Toujours.

    Peut-être que c’était idiot, parce qu’on ne peut pas se battre contre les cauchemars, et que rien ne lui assurait que c’était vrai, mais les craintes du garçon s’évanouirent instantanément. Son meilleur ami le borda, et attendit. Il tiendrait sa promesse, évidemment. Il resterait éveillé jusqu’à entendre la respiration apaisée de celui qu’il avait juré de protéger il y a des années déjà. Et cette nuit, comme toutes les nuits qu’ils passaient ensemble, il se souvenait de l’idiot qu’il avait été, qui, comme tous les autres, avait vu un Dieu infaillible en Lysandre. Et de la fissure qu’il avait vu un soir d’été, alors qu’ils avaient à peine douze ans. Du gouffre béant dans l’âme de Lysandre, qu’il avait tenté de reboucher, devant lequel il s’était placé, en garde du corps, pour éviter que qui que ce soit ne puisse le découvrir, et surtout, pour éviter que son génie perdu de meilleur ami ne s’y jette et ne s’y tue. Il passa une main douce dans les cheveux du garçon enfin endormi, dont le visage se para d’un immense sourire. Innocent. Bien sûr qu’il était innocent. Et peu importe les actes horribles qu’il avait commis, il était pur. Pur comme un enfant qui, dans un accès de rage, casse ses jouets. Sur ce point, Alex était moins aveugle que Lysandre. Une part de lui avait conscience que les gamins avec lesquels ils jouaient tous les jours étaient, justement, des êtres humains. Mais il avait choisi de se laisser entraîner par le jeune homme aux yeux gris si envoûtant qui lui, ne le voyait pas. Il les détruisait parce qu’il ne réalisait pas qu’ils étaient réels, qu’ils étaient vraiment là. C’était peut-être maladif. Mais là, six heure du matin bien dépassée, avec un visage si doux, qui aurait pu deviner que quelque chose clochait chez le garçon à l’air angélique ? Toujours endormi, il passa son bras nu autour de son meilleur ami, qui sourit à son tour, satisfait, et se laissa sombrer dans le sommeil, bercé par la certitude qu’ils seraient toujours ensemble, quoi qu’il arrive.


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  • Lysandre est au plus bas, il boit et il fume sans arrêt, il est terrorisé.

    Encore bourré, même plus étonné de me retrouver allongé dans mon lit, le blanc des yeux rouge. Alex me regarde, je vois bien qu'il a mal et ça me brise le coeur. Je ne voulais pas le blesser, vraiment. 

    -Eteins moi ce joint, Lys. S'il te plaît.

    J'ai envie de lui hurler dessus, de lui dire que non, je ne vais pas faire ça, que je veux me shooter encore et oublier. Oublier, et fumer. Mais je hausse les épaules, et je l'écrase à même ma main. Je ne sais même plus pourquoi je fais ça, mais ça m'apaise. La douleur est réelle, enfin un truc vrai dans ce monde d'illusion, où tout s'efface dans un sombre brouillard. La douleur me rassure. Savoir ce qui est réel autour de moi me rassure. Mon esprit va trop vite, et le monde trop doucement, alors peut-être que le monde ne tourne pas, peut-être qu'il est immobile pendant que j'avance, peut-être même qu'il n'existe pas et que tout ce qui existe c'est moi. 

    -J'ai peur, je chuchote doucement. 

    Une main à la fois ferme et douce attrape la bouteille dans ma main pour la poser sur la table de chevet, ramasse et jette les mégots qui traînent, puisque un grand garçon se glisse avec moi sous les couettes. Je ne peux pas réprimer un mouvement de recul. Parce que si on se touche et qu'il se dissout sous mes doigts, ça prouvera que lui non plus n'était pas réel. Il l'ignore totalement et me serre dans ses bras. Et là, je commence à me débattre comme je ne me suis jamais débattu, je lui hurle que je ne veux pas qu'on me touche. Je ne veux pas qu'on me touche, je veux qu'on me laisse respirer, il m'étouffe, il m'étouffe, je ne veux pas de sa peau, de son odeur, je continue à me débattre et à hurler, et il ne me lâche pas. Alex a toujours su faire ça. Savoir quand est-ce que mes "Dégage" signifient "Ne m'abandonne pas". Je n'en ai même pas conscience, mais lui, il le sait. Il ignore totalement ce que je hurle et il me maintient contre le lit, me laisse me débattre et hurler, m'épuiser, puis soudain sangloter contre son torse. Il connaît les moindres recoins de ma terreur, il me berce jusqu'à ce que je m'endorme, et si jamais des cauchemars venaient me hanter, il les affronterait à mains nues.


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  • Lysandre, peux-tu te présenter ?

    Non. Je rigole, oui, je pourrais, mais je ne saurais pas quoi dire. Je m'appelle Lysandre, j'ai 17 ans. C'est un peu trop banal à mon goût. 

    Parles nous de ta classe, de tes amis et ta famille, de ce que tu aimes, enfin, ce qui te définit ?

    Tu crois que ma classe me définit ? Amusant. Si je dis, première L, en quoi ça me définit ? Qu'est-ce que tu apprends de moi ? Rien. Alors, Lysandre Drake, Première L, dix sept ans. Et maintenant ? Première L... Oui, dans l'imaginaire collectif, je suis un artiste en herbe, j'aime le café, je suis super féministe et pro lgbtq+, je me drogue (un peu) et je conteste l'autorité... C'est assez loin de ma personnalité. Je ne suis pas un artiste, ça c'est clair. C'est pas que je déteste le café, mais je préfère de loin le coca et la bière (comme la majorité des gens de ma classe d'ailleurs). Je suis féministe, mais c'est un peu un secret. Enfin, quoique, non, féministe c'est un bien grand mot. Dans l'absolu, si ça reste entre toi et moi, je dois avouer qu'une fille, un homme, enfin quelque soit le genre de la personne en face de moi, ça ne joue pas beaucoup sur sa valeur. Mais encore une fois, j'aimerais bien que ça reste un secret. Y'a ce groupe d'ado au lycée, que j'adore faire chier. Y compris un garçon trans, que je genre pas correctement, que je joue à appeler Zoé parce que je sais que ça le tue de l'intérieur, et surtout deux filles, que je traite comme des chiennes en leur répétant que c'est ce qu'elles sont. Et, je veux dire, sincèrement, ce sont des chiennes, mais pas parce que c'est des filles, simplement parce que je l'ai décidé. Non, parce que par exemple, ma soeur, Anna, ou Laura, la soeur d'Alex, c'est juste des reines. D'ailleurs, que personne ne s'avise de lever la main sur elles, parce que... Ben, quand je suis en colère, personne n'a envie de voir ça. Je vous dirais bien de demander à Manu, mais je crois que vous aurez du mal à lui parler, les cadavres tiennent plutôt bien leur langue. Enfin, je dis ça, moi, mais Anna, elle est tout à fait capable de se défendre toute seule. C'est juste pour la forme quoi, personne ne touche à ma famille. Dans l'idée, c'est pareil pour la cause lgbt. Je m'en fous de ce que tu es. Si je tiens à toi, tu peux littéralement être tout ce que tu veux, je t'accepte comme tu es. Alex est pan, Timéo est gay, je m'en fous. Par contre, je sais que la plupart des personnes de cette communauté ont peur des insultes qui pourrait découler de là, donc je sais aussi en jouer, comme le mec trans de mon lycée, Peter, peut en témoigner. C'est vrai que je fume (beaucoup.) Par contre, je ne défie jamais l'autorité... Je SUIS l'autorité.

    Et si ta classe ne te définit pas, qu'est-ce qui te définit ?

    Ben, le reste de ta question était pertinent. Mes amis par exemple. Alex, c'est mon meilleur ami. Ne me demande pas pourquoi, la seule raison, c'est Alex. C'est lui. Parce que c'est lui, parce que c'est moi. On l'a su dès le premier jour, et ça pourra jamais changer. Avec Alex je suis moi. Pour le meilleur ou pour le pire. Bon, surtout pour le pire. Alors qu'Enzo, c'est comme mon frère, mon petit frère. C'est le genre de personne a qui on peut pas dire non. Il te fait le truc là, avec ses yeux, genre, "je t'en supplie" mais sans un mot. Franchement ça me tue, impossible de résister. C'est un peu ça la différence avec Alex d'ailleurs. Alex j'ai jamais envie de lui dire non, Enzo, même quand j'ai envie j'arrive pas. Je l'ai bien laissé déconner d'ailleurs. M'enfin, j'imagine que même moi, je ne peux pas être parfait. Mes autres potes, on s'en fout un peu. Je veux dire, je tiens à eux, mais ils sont interchangeables. Je veux dire, ils sont tous uniques, mais mon affection pour eux ne l'es pas. Je les aime ensemble et unis. Faut pas croire, hein, je les connais par coeur, je sais le moindre de leurs désirs, et j'essaie de les combler au maximum, à part Timéo qui est chiant un peu. Je l'aime aussi, mais je pense pas que nous ensemble ça va durer. Pour l'instant il est là, et il est utile, c'est tout ce qui compte.

    Ta famille ?

    Ma soeur, Anna, dont j'ai déjà parlé. Elle deviendra comme moi quand elle aura mon âge. J'espère juste qu'elle sera un peu plus heureuse. Mes parents et moi, c'est amusant. Maman trompe papa, qui demande le divorce, et puis de toute façon, à partir du moment où ils ont trouvé une nounou pour ne plus s'occuper de nous, j'ai envie de dire, j'ai perdu tout mon respect pour eux. Je veux dire, ma mère travaille pas, elle aurait pu faire l'effort.  Eux, par contre, ils m'aiment. Ils me voient, tu sais, comme un gamin prodige. Ils ont raison, je sais, m'enfin. Pour moi, ce sont un peu des... marionnettes. Je veux, j'actionne quelques ficelles, ils me donnent. Ma vraie famille, c'est Alex et Enzo. Avec Anna bien sûr, et même Laura. Puis dans quelques années, y'aura Léopold, le frère d'Enzo. Après, c'est bizarre à dire, mais les ados du lycée, particulièrement Lily-Rose, je les considère un peu comme ma famille, du côté animaux de compagnie, certes, mais j'y tiens. J'y tiens vraiment. J'aime aussi leur faire du mal, mais ça fait parti du truc, et ils savent qu'ils le méritent. Même Tyler que je déteste plus que tout au monde, une partie de moi tiens un peu à lui. Comme le jouet de merde qu'on ne veut pas jeter même s'il est cassé.

    Tu te rends compte que c'est super maladif de traiter les êtres humains comme des objets ou des animaux ?

    Non pas vraiment. Je veux dire, au fond c'est logique. Pour moi, le monde n'existe que par rapport à moi. Quand je n'étais pas né, il n'existait pas, et quand je mourrais, il disparaîtra avec moi, puisque je n'aurais plus conscience de lui. C'est vrai pour chaque humain. Le monde après ta mort, il aura pas de sens pour toi, puisque tu ne seras plus là. Moi, j'ai fait ce constat à l'âge de quatre ans. Et puisque je suis le point central du seul monde qui importe à mes yeux (le mien) ça me paraît logique que tous les éléments dépendent de moi. Donc les choses ont la valeur que JE leur accorde. A partir de là, si je décide que quelqu'un ne vaut rien, c'est absolument vrai dans ma réalité. Et pour l'instant, rien ni personne n'a pu me prouver le contraire. Tout les gens qui ne valaient rien se sont effondrés sur mon passage. Uniquement parce que j'en avais envie. Tout ceux que j'ai voulu à genoux devant moi, maintenant je peux les faire ramper si je veux. Les filles dont j'ai voulu le corps sont à moi, elles font ce que je demande quelque soit la demande. Le garçon que j'ai voulu offrir à Alex en est arrivé à un tel point de soumission qu'il doit lui demander pour aller pisser. Donc, ce que je veux dire, moi, c'est que... Je ne sais pas si t'es réel mec. Honnêtement, de ce que j'en vois, le monde est une simulation qui se plie à ma volonté. De ce que je vois, je contrôle le programme. Dans les grandes lignes seulement, bien sûr, y'a des événements que j'ai pas vu venir. Mais ça fait juste partie de la simulation. Honnêtement, je ne pense pas que tu sois réel, pas plus qu'eux. Vous êtes trop plats, trop facile à diriger. Vous suivez un schéma "actions → conséquences" des plus banals. Si je prends Lily-Rose par exemple c'est super simple. Menace → obéissance. Tyler de l'autre côté, c'est plutôt désobéissance → punition → obéissance. Le schéma se répète tout le temps. Edouard, on en parle même pas, il suffit d'évoquer sa sœur pour qu'il fasse le beau et donne la papatte. Peter, pour ce que j'en sais, il suffit d'utiliser la force, et quand on a bien humilié ses amis, il est assez intelligent pour savoir qu'il n'a pas le choix. Elettra elle est plus complexe. Un peu comme Tyler, elle a sa fierté, et elle sait se rebeller. Mais ça ne rajoute pas tellement de paramètres en plus. Vous êtes trop simples, j'ai l'impression que vous êtes des programmes mal rédigés. Ou alors vous êtres trop complexes et je n'arrive pas à percer la surface, mais si c'est la cas, pourquoi vous finissez toujours par faire ce que je veux ? Alex c'est pas pareil. Des fois, il dit non, il veut pas, il me surprend. Enzo c'est pas pareil. Des fois il me manipule, même inconsciemment, il me fait tourner en bourrique. Vous, même quand vous ne faites pas ce que je veux au début, vous finissez toujours par agir juste comme je le veux. Donc, je pense que vous êtes faux, vous n'êtes pas réels. Alors, je peux vous traiter comme j'ai envie, ce n'est pas comme si vous existiez.

    Pourquoi me répondre, si je ne suis pas réel ?

    Pour ne pas m'ennuyer. Le jour où je commencerai vraiment à m'ennuyer, je me tuerai sans aucun doute.


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