• Partie 23 - Fin

     

    -Je te vois Emy, toi, et ta souffrance, et ta solitude. Mais tu n'es plus seule, plus jamais. Je te vois.

     Et ses yeux se fermèrent. Les secondes passèrent. Peut-être même des minutes, peut-être même des heures. Emy laissa son ami dans le sommeil paisible qu’il semblait avoir retrouvé, après s’être assurée qu’il dormait simplement. Ses yeux étaient trempés de larmes, ses vêtements tachés de sang, et son âme mourrait. Elle s’était juré de ne plus jamais être égoïste. Il était donc temps d’agir. Malgré tout ce que ça lui coûtait. Elle s’éloigna. Son sac à dos, une feuille, un stylo, elle écrivit quelques mots. Des flashs illuminèrent son esprit. La mort de sa mère, le sourire d’Anthony, la mort de son père, un chocolat chaud, une valse, l’odeur de la mort et le linceul, une pizza, l’étoile du berger, le regard du médecin, sa tante, une odeur de liberté, le regard du médecin, le manque des ses parents, le regard du médecin, Anthony, l’Etoile du Berger. Le regard du médecin.

    Emy s’effondra. Elle plia la feuille sans prendre le temps de se relire. Elle sortit la seule chose qu’elle eût jamais volé, et espéra qu’on lui pardonnerai. Une bouteille d’eau, et elle compta jusqu’à vingt cinq. Elle ne pensait pas, en était incapable. Vingt cinq gorgée d’eau, et à chaque fois, un cachet d’aspirine. Elle savait qu’Anthony retrouverait son corps. C’est pour cela qu’elle avait choisi les médicaments. Pour que rien ne soit sordide, juste comme si elle dormait. C’était loin d’être la façon qu’elle préferait. Mais elle n’était pas égoïste, elle faisait en sorte de le traumatiser le moins possible. Quoique. Si elle avait vraiment voulu tenir sa promesse, elle serait partie. Pour qu’il ne la voie plus jamais. Pour que son cadavre ne touche pas ses yeux innocents. Mais il était trop tard pour changer d’avis. Quelque part, là haut, une étoile l’attendait. Alors Emy s’allongea, et elle ferma les yeux elle aussi. Plus rien n’avait d’importance. Elle s’éteignit sur un dernier parjure.

    Anthony ouvrit les yeux. Le tic tac avait disparu, les battements de son vrai coeur étant devenus inaudibles. Il se réveilla, la lune était haute dans le ciel, mais quelque chose manquait désespérément. Il éprouvait un sentiment de manque. Il éprouvait un sentiment ! Alors qu’Emy n’était pas… Emy n’était pas là ! Surpris, il tenta de se lever, mais sa tête tournait, et tout d’abord, il ne parvint même pas à s’asseoir. Sa main vint avec difficulté tâter son coeur, prendre son pouls, et en se servant de ce rythme, de son rythme, il parvint à se redresser. Il appela son nom. Sans réponse. Mais où était-Elle ? Un gémissement enfantin s’échappa de ses lèvres. Pourquoi ne se tenait-Elle pas à ses côtés pour le féliciter ? Pourquoi serait-Elle partie ? Ne l’aimait-Elle donc plus ? Sauf si… Et si quelque chose lui était arrivé ? Adrénaline. Il se leva difficilement, tituba. Son instinct le guida dans une direction, puis une autre. Il courait d’un endroit à son opposé, revenant sur ses pas, lorsqu’il La vit. Rassuré, il compris qu’Elle s’était juste éloignée pour dormir. S’approchant, un mauvais pressentiment déchira ses entrailles. Son corps, ses formes, son visage ne bougeaient plus. Un effroi intense lui arracha des larmes tandis qu’il tentait de la ranimer, la secouant, la suppliant de tout son corps.

    Quand il se résigna à lâcher prise, la nuit s’était enfuie, comme incapable d’assister à la détresse du jeune homme. Il se détourna pour vomir. Rien n'avait plus de sens. Le silence et le bruit, l’or et la lune, le chaud et le froid, tout se mélangeait pour ne laisser place qu’à un engourdissement plus dangereux encore. Il attrapa alors la feuille de papier, qu’il avait laissé de côté. S’entailla sur le bord, et regarda son sang couler. Puis lu.

    “Je ne veux pas mourir. Et c’est stupide de dire ça, j’en ai conscience, parce que je me suis moi même donné la mort. Le regard du médecin… Anthony, je ne t’ai jamais dit de quoi sont mort mes parents. Ni pourquoi ma tante a refusé de s’attacher à moi. Une maladie génétique. Je suis condamnée. Ma fin, proche. J’avais peur. Maintenant, je me dis qu’il vaut mieux que  ça arrive maintenant, avant que, par excès de faiblesse, je ne laisse ton nouveau coeur s’attacher à moi. Qu’au moins je le préserve de ça, afin que la trahison te soit douloureuse, mais pas fatale. La couleur de tes yeux… Le médecin avait les même yeux quand il m’a dit que je ne survivrai pas. 

    Infiniment tienne,

    Emy”

     Un garçon hurle. La peine le rend fou, mais il n’a pas le choix. Il aurait voulu l’embrasser, au moins une fois.

    Une fille meurt ; un garçon vit.   


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