• Poètes maudits

    La vie de Rimbaud résonne en moi comme un appel, comme un cri. Prétentieux, peut-être, mais tu dis : ce qu'il a vécu, je le ressens. Tu dis, je comprends la sensation de chercher l'inconnu toujours plus loin, de tester les limites de l'humanité, de soi-même et du reste. Tu dis : je comprends les poètes maudits. Commencer à écrire et voir le monde se dévoiler pour ce qu'il est : une terre d'horreur et de souffrance. Comme si les mots levaient le voile de l'humain, pour montrer un intérieur vide et froid, comme la prison ou l'Ennui tua Baudelaire, telle une araignée insidieuse. Et peu importe combien tu fermes les yeux et tu pries un Dieu imaginaire pour que le brouillard de l'ignorance revienne et t'entoure, ce que tu sais, ce que tu as vu ne disparais jamais. Et alors, il est inutile de chercher l'idéal, au fond de toi, tu as compris qu'il n'existait pas. Pourtant, presque irrationnellement, tu continueras à chercher parce que, frénétiquement, tu auras besoin de croire en autre chose.

    Et finalement tu touches du doigt les paradis artificiels, qui te donnent un semblant de bonheur. Tu pourrais ne pas y croire, mais tu t'y noies à corps perdu pour donner un sens à ton existence. C'est un mensonge que tu acceptes de croire en toute connaissance de cause, un vin déguisé en eau que tu acceptes de boire parce que le poids de la vérité devient trop lourd. Et tu sais bien que tu devras reprendre cette pierre sur tes épaules, mourir écrasé peut-être, mais pour quelques heures tu te décharges, tu élargis ta gorge et ton sternum, et l'air que tu inspires à une odeur de paradis. Paradis qui n'existe pas, pas pour les hommes du moins, alors c'est un avant goût de ce que tu n'auras jamais, et tu le sais. Chaque fois que tu te laisses duper, que tu espères, tu sais que c'est vain, et rien ne retire cette conscience de toi. Je le redis : tu le sais, tu ne l'ignores pas, et ne l'ignoreras jamais. Cette drogue sur le bord de tes doigts comme elle l'était sur le bord des leurs n'est qu'un leurre, une tromperie que tu refuses de reconnaître. Que tu refuses, j'insiste, c'est parfaitement conscient de ta part, c'est un choix, c'est ton choix. 

    Tu le comprends, je le comprends aussi. Mais ce pied dans le chemin qu'ils ont tracé, moi je le retire. De toute mes forces je lutte contre un sentier qui peut-être, a été dessiné pour moi. A la fin du jour, j'espère pouvoir dire que j'aurais fait de mon mieux et peu importe de réussir ou d'échouer. Ce qui est vain, je ne l'ignorerais pas, comme toi, je ne le refuserais pas. Et ce Dieu faible, je ne le vénèrerais pas. Mais puisque chaque jour est un combat, je continuerais à chercher le Beau, l'idéal ne sera jamais un trésor caché sur Utopia. Je le trouverais, ici, dans une vérité, une parole ou un regard. 

    Le destin des poètes maudits, je le rejette, comme je te rejette toi. S'il est écrit que je dois être malheureuse, à grand coup de ratures, j'effacerai un avenir que je méprise, que je renie. L'espoir coule de mes doigts, comme l'eau d'une cascade. Je mérite une chance de rédiger mon histoire.


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