• Lettre d'un soldat anonyme à sa belle

    "Je t'écris cette lettre..." ce sont les mots que j'aurais voulu t'adresser. Mon écriture un peu maladroite sur un papier tâché, que tu aurais reçu sans doute un peu déchiré. Mais un papier quand même, que tu aurais pu garder contre toi, relire encore et encore.

    Ce n'est pas une lettre, alors je ne signerais pas ces pensées brouillonnes qui ne te parviendront jamais. Il n'y aura ni date, ni lieu. Je suis un anonyme. Ton anonyme, c'est vrai, mais personne ne le saura, même pas toi. La guerre existe depuis toujours, l'amour aussi. Alors, je ne suis qu'une pensée intemporelle qui se répètera. 

    Comment je pourrais t'écrire ? C'est l'enfer ici. C'est la guerre, mais ça tu le sais. Ce que tu ne sais pas, c'est le goût que ça laisse dans la bouche... Ils parlent tous de l'odeur, et ils ont raison, ça sent la mort ici. Mais dans la bouche, c'est pire. L'air a un goût de terre, il est épais et étouffant. Je m'étouffe avec de l'air... Toi tu ne le sais pas, et j'espère que tu ne le sauras jamais. Quoique, tu es tellement courageuse, peut-être que tu n'aurais pas passé les premiers jours à pleurer. Moi je l'ai fait. Et puis maintenant, mes pensées sont droites. Je n'ai même plus peur de mourir. J'ai bien plus peur de vivre dans ce cauchemar. Mais je pense à ton visage, et tu me manques. Plus pour longtemps... Je ne peux plus bouger, mes poumons se bouchent. La terre m'a recouvert, on ne me retrouvera pas. 

    J'aurais voulu t'écrire. Mes dernières pensées seront pour toi. Pour ton sourire, et l'odeur de ta peau quand on se réveillait nus, dans le même lit. Pour ton poulet au curry, pour, tu sais... Pour la façon dont tu me grognais dessus, dont tu m'engueulais mais toujours avec cette étincelle malicieuse. Mes dernières pensées seront pour les longues nuits où j'entrouvrais les yeux pour te voir, assise à l'écritoire, en train de rédiger des contes. Pour ton inspiration.

    Et j'en pleure, des larmes amères de ne pas être à tes côtés alors que ma vie se termine. J'en pleure, et tu ne le sais pas, mais au moins Dieu le saura, et c'est dans sa demeure que j'espère te revoir.


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