• Edouard Christian Rémi Under

    Lily-Rose s’infiltra silencieusement dans la grande chambre de son frère, et installa l’ordinateur, la bouteille de coca et les pop-corns. Puis elle s’allongea elle même dans le lit en souriant. Ils n’avaient pas passé une soirée ensemble depuis au moins plusieurs jours. Et ça lui manquait. Elle sentit d’abord l’odeur familière du savon d’Edouard, puis l’entendit passer la porte. Il avait les cheveux en batailles et encore humides, laissant quelques gouttes couler sur son dos nu. Les jumeaux passèrent la soirée à faire défiler youtube et à se perdre dans les tréfonds de la plateforme. C’est aux alentours de cinq heures qu’ils tombèrent sur LA vidéo. Une chanson traduite en français, qui racontait une histoire. Un frère ayant passé sa vie à servir sa soeur, princesse d’un puissant royaume. Il sacrifia tout pour elle : son amour, son innocence, et même sa vie. Lily-Rose eut une moue un peu triste.

    -C’est horrible comme histoire. Il n’avait pas à payer pour ses erreurs à elle.

    Edouard se redressa, et observa sa soeur, les yeux ronds et confus. Il passa une main dans ses cheveux, puis fronça les sourcils.

    -C’est normal tu veux dire ? J’aurais fait pareil pour toi.

    -Tu aurais tué quelqu’un ? Quelqu’un dont tu étais amoureux ? Tu serais mort ?

    -Bien sûr ! Sa voix reflétait une profonde conviction, une détermination sans faille.

    Avant ce jour-là, l’adolescente se sentait bercée et transportée par autant d’amour. Désormais, elle était aussi un peu effrayée. Sa main s’entremêla à celle de son frère, délicatement.

    -C’est pas possible, ça, Ed. Je ne veux pas que tu tues qui que ce soit pour moi. Je ne veux pas que des gens meurent ! Je t’aime. De tout mon coeur. Vraiment. Mais je ne veux pas de ça. C’est malsain. Et c’est dangereux pour toi.

    -C’est pas grave ma Rose. T’es mon monde, un peu. Ce serait trop bizarre de l’expliquer avec des mots, mais tu sais bien, je donnerai tout pour toi. Je veux que tu sois heureuse, je le veux tellement, je t’entends pleurer dans mes cauchemars et… Et quand ta voix tremble, tu sais quand t’as peur ou que t’es triste j’ai… Je t’ai dit, c’est trop bizarre de l’expliquer, mais mon estomac il se retourne, j’ai envie de vomir, et j’arrive plus à penser à rien d’autre qu’à toi. Alors, tu sais, ma conscience, mon avenir, l’amour, et tout le bordel, ça ne m’intéresse pas trop en vrai.

    Lil ouvrit des yeux effarée. Elle savait aimer, mais ça, ça lui faisait vraiment peur. Peur, parce que c’était terriblement vrai. Son frère était capable de faire n’importe quoi, il n’avait pas de limite, et ce qu’il pouvait se faire à lui-même, à son humanité, n’avait aucune importance à ses yeux.

    -Je suis ton jumeau, non ? En quelque sorte ça a toujours marché comme ça, reprit-il doucement.

    -Et moi je suis ta jumelle. Mais je suis pas capable de… Comment dire… Edouard je tuerais personne pour toi. Pas de sang-froid en tout cas. Je t’aime mais pas de cette façon là, parce que, aussi, j’ai du respect pour toi. Je sais que tu es un grand garçon, que tu peux te gérer tout seul, te faire confiance, grandir à ta manière. Je te respecte assez pour te laisser ton indépendance. Et peut-être que je t’aime moins que tu ne m’aimes, mais je…

    -Chérie, ça n’a aucune importance. Peu importe comment tu m’aimes. Peu importe à quel point. Et même si tu me détestais, ça ne changerait rien. Parce que même si c’était le cas, je t’aimerais toujours de la même façon, inconditionnelle. Et… Je sais, d’accord, je sais que ce n’est pas sain, que ce n’est pas normal. C’est pour ça que je ne veux pas que tu tiennes à moi comme moi je tiens à toi. Parce que ça te boufferai de l’intérieur. Parce que t’as grandi avec des rêves plein la tête et t’es faite pour vivre, pour avoir de nouvelles expériences, des relations, de l’espoir. Mais moi, ce n’est pas pareil. Moi, j’ai été élevé avec comme seule idée celle de te protéger, comme seule envie celle de te savoir en sécurité. Depuis le début, Nate, Papa, les copains du collège et de la boxe, tout le monde m’a poussé dans ce but. Et je suis heureux comme ça. Alors hais moi si ça doit arriver, parce que quoi qu’il arrive je me tiendrais derrière toi, les deux mains sur tes épaules, près à me battre contre tes cauchemars à main nues.

    Quelque part, quelque chose se brise. Une larme peut-être. Le coeur d’une jeune fille. Elle voit tout ce qui est détruit, tout ce qui est cassé, et elle se demande comment tout réparer.

    -Si vraiment, je pouvais faire un voeu, Ed, le mettre en bouteille pour que la mer l’emporte et l’exauce, si je pouvais souhaiter une chose qui me rendrait vraiment heureuse, je demanderai que tu apprennes à être toi, non pas “mon jumeau”, mais toi, Edouard Christian Rémi Under.


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