Pas un mot. Rien ne vient. Il y a le bruit de la vaisselle, mes touches sur le clavier. Il y a un pyjama en soie sur ma peau nue. Le lit, la couverture chaude. Oui, mais ce n'est pas assez. Cela ne sera jamais assez. Je veux des cris de colère, du sang, du désespoir. Je veux des rires et des larmes que rien ne peut arrêter, surtout pas moi. De l'amour comme s'il en pleuvait, de la passion. Je veux quelque chose de vrai et d'intense, comme dans les livres. Comme dans les rêves. Cette vie, je n'en veux plus, elle sonne faux, comme si tout le piano avait été accordé un demi-ton trop bas. Ce n'est pas dissonant, mais tu sais que ce n'est pas ça, il manque quelque chose. Les étoiles se rient de nous, et de nos illusions. Elles se souviennent, elles, des serments du jardin d'enfant, qu'on a brisé en grandissant. On s'est promis de s'aimer, de se haïr, ou de pardonner... On n'a jamais su faire, peut-être que nos coeurs n'étaient pas assez grand. Je me rappelle, on voulait vraiment changer le monde. Qu'est-ce qui a changé ? On a perdu notre désir d'absolu. Perdu... Non, on l'a enfoui, on l'a enterré si pieds sous terre, et il y pourrit sous une montagne de regret. Amasse la somme de tes remords, tu auras trois fois ton poids en or. Finalement, changer le monde n'était plus une priorité, nos valeurs se sont un peu étiolés, nos couleurs se sont délavés. J'ai avancé dans un monde gris, jusqu'à te rencontrer. Mais ça non plus ce n'est pas vrai. Le monde n'a pas pris des teintes saturées avec ton arrivé, le gris est seulement devenu acceptable. Je t'aime, mais je t'en veux tellement d'avoir rendu tolérable le fade, le terne. Pour protéger ce que nous construisons pas à pas, j'abandonne mon absolu, qui survivait encore un peu dans mon cœur. Je t'en veux tellement parce que j'étais prête à tout sacrifier, et je ne peux plus parce que tu es là, tu tiens à moi. Les minces éclats de couleur qui persistent encore, je les abandonne, je ne m'y accroche pas. On abandonne le bonheur pour la stabilité. Si tu savais comme je m'en veux.